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Les tiques (article 1/3) – 13 mars 2019

Les tiques
Des parasites méconnus

 

Maladies transmises par les tiques – Les tiques sont de plus en plus souvent incriminées dans la transmission de maladies, y compris humaines comme la maladie de Lyme. C’est pourquoi ce sujet avait été retenu comme support de nos Journées Portes Ouvertes du 09 mars 2019.

Cet article est le premier volet d’un triptyque sur les maladies transmises par les tiques. Après avoir évoqué la biologie des tiques et leur implication dans la transmission de certaines pathologies, il sera indiqué quelques recommandations pratiques afin de limiter l’impact de ces maladies.

Une variété d’espèces méconnue

Plus de quarante espèces de tiques sont recensées en France métropolitaine mais cinq espèces sont le plus souvent rencontrées sur les grands mammifères :

Ixodes ricinus. Son nom est lié à sa forme en graine de ricin. C’est l’espèce la plus fréquente et la plus cosmopolite (75 % des tiques collectées dans une étude auvergnate). Elle est très abondante dans tout l’hexagone, à l’exception des zones sèches du pourtour méditerranéen. Son exigence hygrométrique élevée (mort en dessous de 70 %) conditionne sa répartition. Sa survie dépend de l’importance du couvert végétal, elle se rencontre donc surtout dans les forêts de feuillus ou sous-bois denses. Elle s’adapte aux pâtures, les plus infestées étant celles cernées de haies ou près des bois. La densité de la faune sauvage (chevreuils surtout) constitue un élément significatif de maintien et d’amplification des populations d’Ixodes ricinus. Chez le bovin, elle peut transmettre la piroplasmose, l’ehrlichiose, l’anaplasmose, la fièvre Q ou la maladie de Lyme.

Ixodes hexagonus. La « tique du hérisson » est un parasite majeur de cet animal mais elle s’attaque volontiers à d’autres mammifères, particulièrement les chats et les chiens. Elle peut transmettre la fièvre Q et la maladie de Lyme.

Dermacentor marginatus. Elle se nourrit sur une grande variété de mammifères et peut transmettre la piroplasmose ou la fièvre Q, mais également la tularémie chez le lièvre. Les Dermacentor aiment les zones boisées et les lisières et restent actives même lorsque le temps est plus sec.

Dermacentor reticulatus. Egalement connue sous le nom de « tique des cornes », elle peut provoquer chez le bovin d’impressionnantes dermatoses allergiques au niveau de la tête quelques jours après la morsure. Elle est le vecteur de la fièvre Q.

Rhipicephalus sanguineus. Son surnom de « tique du chenil » indique qu’elle parasite surtout le chien. Elle peut occasionnellement se fixer sur des bovins, mais sa faible résistance dans le milieu extérieur limite sa diffusion. Son aire de répartition principale est le sud de la France et elle peut s’implanter durablement dans les habitations. Sa particularité est de rechercher activement sa proie, contrairement aux autres tiques qui attendent son passage. Elle est le vecteur de la piroplasmose et de l’ehrlichiose.

Si Ixodes ricinus reste de loin la tique la plus présente en France, d’autres espèces sont également rencontrées.

Un cycle commun ponctué par les repas de sang…

Les tiques partagent un cycle de développement commun, avec 3 stades : larve, nymphe et adulte. Chez Ixodes, le cycle est dit triphasique telotrope (3 hôtes différents). Chaque changement de stade ou la reproduction s’accompagne d’un repas de sang. Ce sont autant d’occasions pour la tique d’acquérir puis de transmettre au stade suivant un agent pathogène. Les larves parasitent davantage les petits mammifères, les nymphes les espèces de taille moyenne (lièvre, écureuils, blaireaux, renards…) et les adultes les grands ruminants sauvages (chevreuil) ou domestiques (bovins, ovins). L’homme, du fait de sa peau fine, est une cible pour tous les stades. Quand la météo est favorable, douce et humide, la tique grimpe sur un brin d’herbe ou un branchage et attend qu’un animal passe à proximité. Ixodes est dépourvue d’yeux mais perçoit les vibrations et le dégagement de CO2. Elle a un organe olfactif sur les pattes qui lui permet d’identifier précisément une proie sur laquelle elle s’accroche. Elle va ensuite se déplacer jusqu’à trouver l’emplacement idéal pour se fixer, une peau fine et vascularisée. Le temps de repas est de 2 à 10 jours, plus court pour les larves que pour les adultes, et la tique gorgée se détache ensuite pour muer ou, si c’est une femelle fécondée, pour pondre. Les phases de développement, de mue et de ponte sont réalisées à même le sol.

… une durée variable, surtout pour Ixodes

L’incubation des œufs dure de 20 à 50 jours, avant l’éclosion des larves. La larve se met en quête d’un repas de sang et une fois gorgée, elle entame sa mue qui va durer de 2 à 8 semaines. La nymphe va reproduire le schéma larvaire, prenant son repas de sang pour muer en adulte. Le mâle et la femelle adultes vont chercher à se rapprocher pour la reproduction ; le mâle, qui ne se nourrit pas, se fixe sur la femelle pendant son repas de sang. Rassasiée, elle se détache, pond de 500 à 5.000 œufs à même le sol et meurt. Le cycle complet comprend donc 3 repas de sang avec une phase libre importante, pour une durée moyenne de 2 à 4 ans selon l’environnement (température et hygrométrie), la capacité à trouver une proie et l’évolution biologique de la tique, très lente chez Ixodes. En raison de leurs exigences relatives aux conditions météorologiques, ces tiques présentent un pic d’activité important d’avril à juin et un 2ème plus faible en septembre et en octobre mais elles peuvent être rencontrées tout au long de l’année en fonction du temps. Les facteurs climatiques entraînent l’alternance de périodes d’activité et de diapause, les tiques passant la majeure partie de leur vie dans l’environnement.

Une lutte contre les tiques limitée

On observe une augmentation de la population de tiques très vraisemblablement liée aux modifications climatiques. Ixodes trouve désormais plus souvent une météorologie favorable à son activité. Les tiques ont des prédateurs, les musaraignes et les oiseaux, mais en dépit de pertes très importantes à chaque stade, plus de 80 %, leur très grande résistance dans le milieu extérieur laisse penser que cette tendance va s’accentuer. L’entretien des parcelles avec le broyage des zones en friche et la pose d’une clôture électrique éloignant les animaux des haies reste une gestion efficace. La lutte chimique s’appuie sur des acaricides, certains ayant un effet prolongé. Si ces produits présentent un intérêt pour débarrasser un animal d’une infestation massive, c’est plus incertain dans la prévention de la transmission de maladies.

Privilégier des contacts réguliers pour maintenir une immunité

Au niveau d’une zone, les contacts réguliers avec les tiques, et donc les agents pathogènes, permettent l’installation puis le maintien d’une immunité (prémunition) solide sans signes cliniques. En premier lieu, il est donc utile de connaître la situation de son exploitation et des différents lots vis à vis des maladies transmises par celles-ci. Il faudra veiller ensuite à maintenir cette immunité. Cela implique un contact au minimum annuel des animaux avec l’agent infectieux. Pour les jeunes, il sera fait en sorte qu’ils atteignent ce statut dans les meilleures conditions avec un pâturage des jeunes animaux sur les prés à risques. Cela demande une bonne connaissance de l’équilibre présent au sein de son exploitation et implique une gestion intégrée compatible avec le maintien de l’environnement (botanique, écologique…) et l’immunité des animaux. Le prochain article sera consacré aux maladies sanguines liées aux tiques. Pour plus de renseignements, n’hésitez pas à nous contacter ou votre vétérinaire.

Dr Boris BOUBET – Dr Didier GUERIN
GDS Creuse