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Les tiques et les maladies abortives (article 3/3) – 27 mars 2019

Maladies abortives liées aux tiques
Ehrlichiose, Fièvre Q

 

Maladies abortives transmises par les tiques : Après les tiques, leur biologie et les maladies sanguines transmises, cet article aborde les maladies abortives liées aux tiques.

Si ces maladies ont été classées dans les maladies abortives, c’est qu’il en constitue un des symptômes principaux, mais l’impact pathologique est plus large.

L’ehrlichiose granulocytaire bovine, la « fièvre estivale » …

C’est une maladie bactérienne provoquée par la bactérie Anaplasma phagocytophilum. La diffusion géographique de la pathologie a été étudiée au début des années 2000. On a pu mettre en évidence une distribution quasi nationale ainsi qu’une liste d’espèces sensibles très importante : ruminants domestiques, chiens, renards, chevaux, petits rongeurs, faune sauvage, mais aussi l’homme. En 2011 en Creuse, 100 % des chevreuils d’un échantillonnage sérologique se sont avérés positifs. La bactérie est transmise lors de la morsure par une tique du genre Ixodes ricinus. L’inoculation de la bactérie se fait plus de 24 heures après la morsure et la durée d’incubation est de l’ordre de 48 à 72 heures. La maladie évolue alors en cinq à dix jours.

… avec des troubles respiratoires, de gros paturons…

L’agent de l’ehrlichiose s’attaque aux globules blancs. La maladie se manifeste souvent initialement par une forte baisse de la production laitière, voire une agalaxie complète, d’où son identification plus facile en élevage laitier qu’en élevage allaitant. La clinique est dominée par de la fièvre généralement supérieure à 40°C et des troubles respiratoires, d’où son appellation de « fièvre estivale ». Vue la saison, les symptômes peuvent évoquer un épisode de strongylose respiratoire, les deux pouvant être simultanés. Il peut aussi être observé de gros paturons entraînant une démarche ébrieuse, mais ce signe distinctif de la maladie ne se manifeste que sur 10 % des animaux. C’est aujourd’hui la principale cause d’avortements en Creuse. L’ehrlichiose peut évoluer de façon plus insidieuse, moins visible ou de manière asymptomatique dans les élevages avec une immunité bien installée et entretenue par des contacts réguliers. La maladie peut, par contre, apparaître sur de nouveaux animaux non-immunisés introduits ou à la suite d’un stress physiologique sur les animaux du troupeau (vêlage, maladie intercurrente, parasitisme, alimentation insuffisante ou déséquilibrée…).

… d’où une maladie à suspecter lors de contexte épidémiologique particulier 

La suspicion repose sur un contexte épidémiologique particulier : saison, changement de pâturage, introduction d’animaux ou regroupement de troupeaux sur une parcelle infestée sur laquelle le troupeau « autochtone » ne présente pas de signes d’ehrlichiose. Les signes d’appel sont la fièvre, la chute de production laitière, les signes respiratoires et, parfois, les avortements. Le recours au laboratoire s’avère donc indispensable pour établir un diagnostic de certitude. Dans la phase initiale de la maladie (les trois premiers jours), la détection de la bactérie peut se réaliser par PCR sur le sang, sur l’avorton ou par écouvillon endocervical sur la vache avortée. Dans la 2ème phase de la maladie (soit après une semaine d’évolution minimum), chez des animaux convalescents ou chez les vaches d’un lot ayant avorté, la sérologie permet de mettre en évidence le « passage » de la bactérie et est donc à interpréter avec précaution en intégrant le contexte clinique et épidémiologique. En effet, de nombreux bovins sont sérologiquement positifs et on ne peut pas raccorder systématiquement l’avortement à cette maladie.

Fièvre Q, une zoonose méconnue…

Cette maladie est provoquée par une très petite bactérie, Coxiella burnetii et peut contaminer de très nombreuses espèces (mammifères, oiseaux…). Elle a la particularité d’être très résistante dans le milieu extérieur, sous forme de spore, mais ce sont les animaux malades qui sont le plus excréteurs. Si la transmission par les tiques est importante, la contamination se fait principalement par voie aérienne, lors de la manipulation des litières ou l’épandage du fumier.

… des avortements à investiguer…

Chez les bovins, les symptômes majeurs sont des troubles de la reproduction et des métrites, les avortements étant sporadiques. Chez les petits ruminants en revanche, la fièvre Q entraine essentiellement des avortements. Lors de suspicion, des prélèvements sont à réaliser immédiatement pour analyse. L’examen de choix est la PCR sur écouvillon endocervical ou sur l’avorton. Le prélèvement est à acheminer sous couvert du froid, à moins de 4°C, et à traiter rapidement. Au-delà de 7 jours, la PCR est moins intéressante. Si le diagnostic de fièvre Q est confirmé, des mesures sanitaires s’imposent : isolement des avortées, destruction des placentas, port d’un masque lors de la manipulation des fumiers, désinfection des locaux. Sur l’homme, la maladie peut être asymptomatique. Lorsqu’elle s’exprime, les symptômes vont d’une forme grippale bénigne à une fatigue généralisée, avec fièvre, douleurs musculaires, voire toux, avec une attention particulière sur les femmes enceintes ou les personnes ayant des antécédents cardiaques.

Le taux d’élucidation est conditionné par la précocité d’intervention (prélèvement dans les 48 heures, maximum, suivant l’avortement pour le diagnostic direct), la qualité des prélèvements et la vitesse d’acheminement, d’où la mise à disposition des vétérinaires d’un kit prélèvements avortement à utiliser lorsque l’avorton ne peut pas être acheminé au LDA. Les deux principales maladies diagnostiquées sont l’ehrlichiose et la fièvre Q.

… et une gestion à adapter

La fièvre Q est la deuxième cause d’avortements en Creuse et sa gestion passe par une évaluation de sa diffusion dans l’élevage, au moyen de sérologie, en ayant conscience des limites de l’outil : la moitié des animaux séropositifs demeurent excréteurs, et des animaux séronégatifs peuvent l’être également… La vaccination du pré-troupeau avant la mise à la reproduction pendant 3 à 5 ans reste la meilleure solution, voire la vaccination de tout le troupeau en cas de très forte prévalence.

Un diagnostic direct facilité à l’aide du kit bovin

Pour faciliter l’utilisation des nouvelles techniques de diagnostic direct (PCR), le GRASL a consacré la CRSSA au diagnostic direct des avortements dans les élevages bovins, ovins et caprins. Un kit PCR, adapté à chaque espèce, avec une prise en charge de 75 % est à disposition. Grâce aux nouveaux outils analytiques disponibles, depuis le 01/10/2017, le kit avortement bovin est passé de 5 à 11 valences recherchées, incluant ehrlichiose, anaplasmose et fièvre Q. Lors de recherches sérologiques complémentaires, notre plan « maladies émergentes » permet la prise en charge de 50 % des frais d’analyses et de la visite vétérinaire de mise en place du plan de lutte et de prévention.

En conclusion, être attentif et investiguer

Cet article vient clôturer notre trilogie consacrée aux maladies transmises par les tiques. La maladie de Lyme, pathologie majeure en humaine, n’a été qu’évoquée car son impact en pathologie bovine reste encore mal connu. Elle peut être soupçonnée lors d’arthrite faisant suite à des morsures de tiques. Une prévention efficace contre les maladies à tiques passe par une connaissance précise de l’épidémiologie locale et le maintien d’un équilibre entre un nécessaire contact avec les tiques pour installer l’immunité sans infestation massive susceptible d’entrainer de la clinique. Pour plus d’informations, sur notre site, consultez le paragraphe « TIQUES » du chapitre « PARASITISME » de l’onglet « BOITE A OUTILS – BOVINS ». Pour plus de renseignements, n’hésitez pas à nous contacter ou votre vétérinaire.

Dr Boris BOUBET – Dr Didier GUERIN
GDS Creuse