Bronchite vermineuse – 27 octobre 2021

La dictyocaulose, bronchite vermineuse ou strongylose respiratoire.
Des conditions météorologiques favorables

Risque bronchite vermineuse : Des alertes nous remontent sur la présence importante de strongylose pulmonaire cet automne. Les conditions météorologiques de cette année ont été favorables au développement de cette parasitose.

 La dictyocaulose, bronchite vermineuse ou strongylose respiratoire, demande une approche spécifique en raison des particularités de ce parasite. La prolificité du parasite lui confère une capacité reproductive prodigieuse avec un pouvoir pathogène important, même chez les adultes, ponctué d’épisodes cliniques pouvant être suraigus.

Un parasite avec une extraordinaire capacité reproductive

La dictyocaulose est due à un strongle respiratoire appelé Dictyocaulus viviparus (voir cycle). L’alternance de périodes ensoleillées modérément chaudes et de périodes humides et tempérées, voire nuageuses, constitue les conditions climatiques idéales pour un développement optimal dans le milieu extérieur des larves. Les conditions météorologiques de cette année ont été favorables au développement de ce parasite.

Le cycle évolutif est sans hôte intermédiaire. L’éclosion des œufs ayant eu lieu dans les voies respiratoires, ce sont des larves qui sont expulsées dans les fèces. La phase extérieure est rapide, il suffit de 2 à 3 semaines, en fonction des conditions de température et d’humidité, pour passer de l’élément éliminé dans les bouses (stade larvaire 1) à la forme infestante qui va être ingérée (stade larvaire 3). La dispersion des larves est accrue par la présence sur les bouses de champignons de l’espèce Pilobolus kleinii, champignons que peuvent gravir les larves pour être éjectées parfois à plusieurs mètres lors de la dissémination des spores. Le cycle interne (de la larve 3 à l’adulte) passe par une migration de l’intestin grêle au poumon en passant par le cœur et dure 22 jours en l’absence de réaction immunitaire.

Une immunité précoce mais fragile

La réaction immunitaire vis à vis des dictyocaules est précoce (séroconversion à partir de la 4ème semaine), avec un impact certain mais de pérennité limitée. L’immunité est rapidement acquise vis à vis des parasites adultes avec réduction puis anéantissement des capacités reproductrices, ce qui explique que la période de reproduction présente une durée limitée, de 40 à 60 jours. De même, dans un délai bref, la protection contre l’évolution des stades larvaires est établie. Cependant, dans un troupeau où la dictyocaulose est endémique, 20 à 30% des animaux adultes sont porteurs latents et constituent le réservoir du parasite. En l’absence de contact parasitaire, la réponse sérologique disparaît 4 à 5 mois après la fin de l’infestation.

Une relation hôte/parasite/environnement très « efficace » pour le parasite

Dans la majeure partie de l’Europe de l’ouest, après l’hiver, les contaminations résiduelles sur les pâtures sont proches de la nullité et c’est l’extraordinaire potentiel reproducteur du parasite qui autorise la résurgence de charges parasitaires pathogènes. Une femelle de dictyocaule peut pondre jusqu’à 40.000 œufs par jour. Durant la période de reproduction des parasites, un animal parasité déposera plusieurs millions de larves sur le pâturage. Après absorption par le bovin, le pourcentage d’accession au stade adulte varie de 0,05% à 30% selon le degré d’immunité de l’individu et il suffit de 200 dictyocaules adultes pour déclencher un épisode clinique. Chez les bovins adultes, au cours d’une saison de pâture, le déclenchement d’un épisode clinique va dépendre du rapport entre la charge parasitaire infestante et la résistance de l’hôte à l’infestation. A la sortie de l’hiver, en l’absence de contacts parasitaires récurrents, l’immunité est toujours diminuée.

Différents schémas épidémiologiques possibles

La dictyocaulose a longtemps concerné les génisses, notamment de 2ème année en élevage allaitant. La prévention vis à vis des strongles effectuée sur cette population concerne l’ensemble des strongles, qu’ils soient digestifs ou respiratoires. Ainsi, les cas cliniques survenant sur le pré-troupeau sont devenus exceptionnels. Le tableau clinique classiquement décrit s’en trouve modifié avec une symptomatologie fruste en début d’évolution mais qui peut rapidement dégénérer vers la mort de quelques sujets. En conséquence, en fonction de l’immunité des animaux et de l’infestation initiale du pâturage, plusieurs schémas sont possibles :

  • L’épisode clinique de printemps va se rencontrer lorsque la contamination résiduelle est importante, du fait de conditions hivernales propices à la conservation des larves, et qu’il y a beaucoup de porteurs latents dans le troupeau. La diminution, au cours de l’hiver, de l’immunité à l’égard des dictyocaules permet le recyclage immédiat par les animaux. Pour atteindre un niveau de contamination du pâturage important, il faut un ou deux cycles parasitaires et un épisode clinique peut apparaître 1 à 2 mois après la mise à l’herbe. La pratique des « enclos de sortie » constitue un formidable facteur de risque en matière de dynamique de contamination.
  • L’épisode clinique d’été ou d’automne s’observe même lors de contamination résiduelle faible voire presque nulle. C’est la majorité des cas décrits dans nos régions. Les porteurs latents (essentiellement les mères) du troupeau ensemencent le pâturage et les animaux dont l’immunité est la plus faible (les veaux) autorisent le recyclage parasitaire. Celui-ci est d’autant plus rapide et intense que les conditions météorologiques sont favorables. Si le challenge parasitaire dépasse les capacités de maîtrise d’infestation du lot, un épisode clinique apparaît.
  • La dictyocaulose peut également apparaitre suite à l’achat de quelques porteurs latents. Le niveau initial de contamination sera faible et il faudra un temps de recyclage qui déclenchera des épisodes cliniques tardifs, soit 3 à 6 mois après la mise à l’herbe

Un diagnostic de certitude à poser avant toute intervention

Face à toute suspicion, un diagnostic analytique sera mis en place. Il repose sur la mise en évidence de larves de stade 1 dans les fèces par coprologie (technique Mac Kenna – Baermann simplifié). Il se réalise sur prélèvement individuel ou sur mélange issu de trois animaux maximum (les prélèvements sont individuels, le mélange est réalisé au laboratoire). En raison de la fragilité des larves, le diagnostic doit être réalisé dans les 12 heures qui suivent le prélèvement. Le diagnostic analytique permettra au vétérinaire d’affiner son diagnostic différentiel par rapport à d’autres pathologies comme des atteintes par le virus syncytial ou des pasteurelles. Il faut cependant garder en tête que ce test peut s’avérer négatif en tout début d’évolution, les larves n’ayant pas encore quitté le poumon.

Un plan de lutte sanitaire et médical à raisonner et à mettre en place sans délai

Une fois le diagnostic de bronchite vermineuse établi, un plan d’intervention est prescrit par le vétérinaire en charge du suivi de son élevage. Il associera des mesures sanitaires et médicales en fonction de la gravité des symptômes, des conditions épidémiologiques et des particularités de chaque élevage. Les mesures sanitaires intégreront essentiellement des mesures de gestion des parcelles. Les mesures médicales vont intégrer un traitement antiparasitaire spécifique, éventuellement associé à un traitement antibiotique et/ou anti-inflammatoire pour les animaux en phase de surinfection bactérienne et/ou présentant des réactions inflammatoires. Pour le traitement antiparasitaire, le lévamisole présente une bonne action sur les dictyocaules adultes mais n’est pas rémanent, tue les parasites de façon rapide et peut provoquer des œdèmes aigus du poumon lors de forte infestation ; les molécules les plus actives sont les ivermectines et apparentées, elles sont efficaces sur les adultes et les immatures et sont rémanentes vis à vis des dictyocaules.

En conclusion, une nécessaire approche raisonnée

La dictyocaulose est une parasitose particulière, si elle peut persister de manière silencieuse dans un cheptel, elle peut aussi entrainer une très forte symptomatologie lors de conditions climatiques, de conduite de troupeau et/ou de pratiques de pâturage favorables. Chaque épisode clinique a alors des répercussions économiques dues au nombre d’animaux atteints, aux pertes directes et aux pertes de production engendrées. Mais, si la bronchite vermineuse semble la cause majeure de toux de pâturage, le diagnostic différentiel est essentiel. Pour plus de renseignements, n’hésitez pas à vous rapprocher de nos services ou de votre vétérinaire.

Dr Boris BOUBET – GDS Creuse

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