Virus Schmallenberg – 10 février 2012

La maladie de Schmallenberg
Une émergence au nord de l’Europe

 Dans le cadre d’investigations concernant des signes cliniques aigus de diarrhées fébriles chez les ruminants, un nouvel orthobunyavirus, nommé Schmallenberg virus a été identifié en novembre 2011.

 Des troubles de santé d’origine inexpliquée affectant des vaches laitières ont été observés, entre août et octobre 2011, à l’est des Pays-Bas et dans les régions limitrophes d’Allemagne. Les symptômes étaient une hyperthermie (dans certains cas supérieure à 40°C), une perte d’appétit, une baisse de la production laitière pouvant atteindre 50%, des diarrhées qualifiées de sévères et parfois des avortements. Le retour à la normale était observé en quelques jours. Les causes alimentaires et environnementales ont été exclues. Aucun agent infectieux n’a été identifié à l’époque.

Un « nouveau » virus identifié en Allemagne : le Schmallenberg virus (SBV)

Le laboratoire de référence allemand Friedrich-Loeffler-Institut (FLI) a identifié, en novembre 2011, un nouvel orthobunyavirus, nommé Schmallenberg virus SBV (en référence à une ville proche des foyers, située à 80 km au sud-est de Dortmund). Les séquences virales mises en évidence présentent un haut degré d’homologie avec le groupe Simbu du genre orthobunyavirus qui comprend les virus Akabane, Aino et Shamonda. Les virus du genre orthobunyavirus sont présents en Afrique, Asie, Australie mais n’avaient jamais été détectés en Europe. Nous sommes donc face à une nouvelle émergence virale.

Des symptômes qui semblent bénins chez les adultes mais des infections fœtales, sources d’avortement et de malformations en espèces ovine, caprine et bovine

En fonction de ce qui est déjà connu, ces virus atteignent les bovins, les buffles, les moutons, les chèvres. L’infection aiguë semble se manifester chez les bovins adultes par une hyperthermie, une perte d’appétit, une chute de production chez les vaches laitières et de la diarrhée. S’ils touchent des femelles en début de gestation (entre 30 et 70 jours de gestation chez la brebis, entre 30 et 150 jours chez la vache), ils peuvent entraîner des avortements et la naissance d’animaux malformés : arthrogrypose, raccourcissement des tendons du jarret, déformations de la mâchoire, hydranencéphalie. Les virus du groupe Simbu ne sont pas considérés comme zoonotiques. La transmission est vectorielle (cullicoïdes, moustiques ?) Cependant, il convient d’être prudent par rapport à ces éléments déduits car certaines caractéristiques pourront être spécifiques de ce « nouveau » virus.

Des mesures de surveillance hivernales et un schéma diagnostic mis en place en France

Compte-tenu des hypothèses de transmission vectorielle, la survenue d’infections aiguës pendant l’hiver paraît peu probable. Des conséquences de l’infection pourraient en revanche être observées chez des fœtus ou des nouveau-nés dont la mère aurait été infectée au cours de l’été ou de l’automne 2011. Un cas suspect est défini comme suit : avorton ou nouveau-né, malformé (arthrogrypose, raccourcissement des tendons du jarret, déformation de la mâchoire, hydranencéphalie, torticolis…) ou nouveau-né présentant des troubles neurologiques (paralysie flasque, mouvements exagérés, hyperexcitabilité, difficulté à téter, ataxie,…). Une procédure diagnostique est à mettre en place dès le 1er cas suspect dans le « bandeau nord-est » (Alsace, Lorraine, Nord Pas de Calais, Picardie, Champagne Ardennes) ou lors de 2ème cas sur le territoire métropolitain hors bandeau nord-est survenant dans une même exploitation au cours d’un trimestre.

Un laboratoire de diagnostic viral en France, pas de diagnostic sérologique ni de vaccin

Pour toute suspicion d’infection par le virus SBV, une fiche de renseignement est complétée par un vétérinaire sanitaire. L’animal visé par la suspicion fait l’objet d’un prélèvement (sang sur EDTA et sérum (animal vivant), cerveau ou rate (animal mort)). Si l’avorton ou la carcasse date de plus de 24 heures, alors la mère de celui-ci fait l’objet d’un prélèvement de sang. Le prélèvement et la fiche de renseignement correspondante sont transmis au LDA qui fait suivre immédiatement au Laboratoire de santé animale Anses de Maisons-Alfort où sont réalisées des analyses virologiques (PCR). Le Laboratoire de santé animale de l’Anses Maisons-Alfort est le seul laboratoire français en capacité de réaliser le diagnostic de l’infection par PCR et le mettra en œuvre pour toutes les suspicions déclarées. Il n’existe à l’heure actuelle aucune méthode de diagnostic sérologique et aucun vaccin contre le SBV.

Aucune restriction particulière dans les exploitations suspectes

En l’absence de risque pour la santé publique et de réglementation spécifique à cette nouvelle affection et compte-tenu du faible risque de transmission de cette maladie vectorielle en hiver, aucune restriction particulière n’est mise en œuvre dans les exploitations suspectes. La réglementation en vigueur interdit le mouvement d’animaux malades, ainsi que la collecte de leur semence et la mise à la consommation de leurs viandes et de leur lait. Par ailleurs, il est conseillé aux éleveurs de ruminants dont les animaux présentent une hyperthermie, une perte d’appétit, une chute de production chez les vaches laitières, de la diarrhée, des avortements, ou dont les nouveau-nés présentent des malformations, d’isoler les animaux malades, si possible dans un local d’infirmerie ou de quarantaine, et de contacter leur vétérinaire dans le cadre de la surveillance clinique mise en place.

Des conséquences pour les exportations vers certains pays-tiers hors Europe, Russie, notamment

Les Pays-Bas ont notifié volontairement cette maladie émergente au près de l’OIE. Les autres états européens ont fait de même. Il n’existe pas, actuellement, de réglementation européenne ou internationale. Au niveau européen, des échanges d’informations réguliers se déroulent avec une volonté de transparence entre les Etats membres. La Commission ne souhaite pas réglementer et la coopération scientifique est engagée. Pour les pays-tiers, un embargo pour tous les bovins et petits ruminants vivants ainsi que leurs semences et embryons a été mis en place par la Russie et l’Ukraine avec des répercussions pour le Kazakhstan. Le Mexique ferme ses importations de matériel génétique de tout ruminant. Pour les USA, c’est le matériel génétique bovin qui est concerné. Des demandes d’informations ont été émises par l’Argentine, la Chine…

Une mobilisation des organismes de recherche, un suivi et une information en continu

Face à cette nouvelle maladie, des besoins de recherche sont nécessaires pour les domaines suivants : modalités de transmission, extension géographique, importance économique, outil sérologique, vaccin… En lien avec les équipes européennes, au travers du réseau français pour la santé animale, ces thématiques sont en cours de priorisation et de coordination. D’autre part, l’ANSES a déjà été saisie pour évaluer les impacts et les risques de diffusion. Un état des lieux actualisé des connaissances scientifiques est consultable sur le centre de ressources de la plateforme de surveillance épidémiologique en santé animale : http://www.survepi.org/cerepi/.  Nous vous tiendrons informés des évolutions. Pour plus d’information, n’hésitez pas à nous contacter.

 Dr Didier GUERIN

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