La dynamique de contamination
La connaître pour adapter sa prévention
« Le microbe n’est rien, le terrain est tout »
Selon l’importance des facteurs favorisants dans un élevage, le développement de maladie(s) va être plus ou moins important au sein de l’effectif. La connaissance du mécanisme va permettre d’adapter sa prévention.
Des germes comme le virus syncytial, les cryptosporidies ou les coccidies sont présents dans tous les élevages alors que les grippes, diarrhées néonatales ou coccidioses ne se rencontrent que dans 20% des troupeaux. Ces phénomènes épidémiques se développent en présence de facteurs favorisants. Leur identification permet d‘adapter durablement sa prévention avec la mise en place de mesures sanitaires. Ce phénomène est illustré avec deux exemples : les diarrhées néonatales et les grippes sur les jeunes veaux.
Les diarrhées néonatales, une progression au cours de la saison de vêlages
Dans un élevage confronté à des diarrhées néonatales, la saison débute souvent avec pas ou peu de diarrhées qui touchent un nombre réduit de veaux et guérissent facilement. Au fur et à mesure du déroulement des vêlages, le nombre et la gravité des diarrhées augmentent pour arriver à un taux de veaux malades pouvant atteindre 100% avec une aggravation des symptômes, une apparition des rechutes et de la mortalité. Ce phénomène résulte de la dynamique de contamination. C’est un processus à connaître afin de pouvoir mettre en place une politique de lutte et de prévention adaptée.
Une origine de la contamination multiple avec un historique défavorable aggravant
L’origine des germes responsables de diarrhées est double. Certaines vaches sont porteuses saines. Ces germes sont émis au niveau des bouses, notamment, autour du vêlage (période de déficit immunitaire de la vache avec passage des anticorps vers le colostrum). Le taux de vaches porteuses saines sera d’autant plus important qu’elles se trouvent dans un élevage régulièrement confronté à des diarrhées néonatales. Par contamination orale, les veaux, en particulier à la naissance, vont se contaminer et devenir porteurs sains. Au cours de la saison de vêlage, le nombre de porteurs augmente en présence de facteurs favorisants de contamination pour pouvoir atteindre dans certains cas 70%. La deuxième origine de contamination résulte de la présence de germes au niveau de l’environnement où se trouvent les veaux. La majorité des germes à l’origine de diarrhée néonatale sont résistants dans le milieu extérieur. Ils peuvent persister dans une stabulation d’une saison de vêlage à l’autre et donc être à l’origine de nouvelles contaminations en début de nouvelle saison. A l’abri dans des matières organiques (fumier), les colibacilles résistent plusieurs semaines, les virus plusieurs mois et les cryptosporidies plusieurs années !
Le veau : un relais multiplicateur très efficace, élément moteur de la dynamique de contamination
Dans la dynamique de contamination, le veau représente l’élément moteur. A la naissance, aucun germe n’est présent dans son tube digestif. Il va se coloniser avec les germes de son environnement absorbés par voie orale. Dans un milieu sain, ce sont des germes banaux qui vont s’installer et qui sont nécessaires pour son fonctionnement. Ces germes se multiplient, pour occuper la totalité de l’intestin. Ils sont ensuite, en partie expulsés dans les fèces. En cas de présence de germes pathogènes, ceux-ci suivent le même développement et donc se trouvent en plus grand nombre.
Une phase insidieuse peu visible avant l’explosion de la maladie
Dans une première phase de la saison de vêlage, les premiers veaux multiplient les germes pathogènes présents sans présenter de signe de maladie car le niveau de protection est suffisant. Progressivement, lorsqu’on atteint la limite du seuil de protection, en particulier sur les veaux les plus faibles, les premiers signes de diarrhées apparaissent. Ces premiers veaux malades guérissent le plus souvent rapidement. Cependant, un veau en phase maladie excrète plus d’un milliard de germes par gramme de fèces, alors que 100.000 suffisent à contaminer un veau. On arrive alors à une phase d’accélération de la contamination. On observe de plus en plus de veaux malades, avec des diarrhées de plus en plus difficiles à guérir. L’augmentation de la gravité découle de l’augmentation de la pression d’infection et de la virulence des germes, en particulier des virus, du fait du passage en série sur plusieurs veaux. Dans le 3ème tiers de la saison de vêlage, plus de 60 % des veaux sont malades avec de longues durées de guérison et des taux de rechute élevés.
Les 1ères actions en matière de prévention : désinfection, vêlages en zones propres et isolement des malades
Entre les saisons de vêlage, dans un élevage confronté à des diarrhées néonatales, une désinfection systématique des bâtiments d’élevage est à effectuer. Les fumiers issus de ces stabulations ne seront pas épandus sur des prairies ou après mise en tas, minimum de 6 mois. Les germes de la diarrhée étant résistants dans le milieu extérieur, une contamination des prairies entraîne une augmentation des vaches porteuses saines à l’origine de nouvelles contaminations aux vêlages suivants. Au cours de la saison de vêlage, afin de limiter la contamination du veau à la naissance, on recherche la réalisation d’un vêlage dans un milieu propre, bien paillé et le moins contaminé possible. Cela implique de proscrire les naissances dans des milieux infectés, comme un local qui sert d’infirmerie ou les box à veaux. Sachant que la contamination induite par les veaux malades (de 1 à 1.000 milliards de germes par gramme de fèces) est énorme, la contamination du veau nouveau-né sera automatique. Dès l’apparition de diarrhée, le box de vêlage sera nettoyé et désinfecté le plus souvent possible et le veau malade sera isolé.
Ensuite, rechercher les facteurs de risque propres à son élevage
La connaissance de la dynamique de contamination permet, d’une part, d’enlever quelques idées reçues (apparition d’une épidémie en quelques jours) et d’autre part de mettre en place des mesures de prévention adaptées de 1ère intention qui peuvent être simples pour certaines d’entre elles. L’action sera à poursuivre avec la recherche des facteurs de risque propres à son élevage. Cela implique de réaliser une approche spécifique, ce sera l’objet du prochain article. Pour tout renseignement complémentaire, n’hésitez pas à contacter votre vétérinaire ou GDS Creuse.
Dr Didier GUERIN
GDS Creuse
Important!
Des grippes sur des jeunes veaux : rechercher de manière approfondie la source
Depuis quelques années, s’observent, dans certains élevages en période hivernale, des épidémies de grippes sur de jeunes veaux âgés de quelques semaines, voire de quelques jours. Les élevages concernés sont passés de vêlages groupés sur les trois premiers mois de l’année à une augmentation des vêlages sur le deuxième semestre. Un épisode de grippe sur de très jeunes veaux ne doit pas être considéré isolément. Son existence indique la présence de facteurs favorisant une forte pression infectieuse.
En cause pour les veaux d’hiver, les veaux d’automne !
Quel que soit le niveau de prévention sanitaire, la population de veaux d’automne aura un effet multiplicateur de virus et engendrera un milieu plus contaminé. La cohabitation sous un même toit des lots de vêlages d’automne et d’hiver constitue un facteur de risque très important pour les jeunes veaux d’hiver entraînant des grippes sur des animaux de plus en plus jeunes, dans un premier temps et, en raison d’une augmentation exponentielle de la pression infectieuse, des atteintes des veaux des vêlages d’automne qui interviennent en cours d’hiver, dans un deuxième temps. La mesure principale de prévention sanitaire consiste à avoir des logements différents pour les vêlages d’automne et ceux d’hiver.
Une vaccination des veaux d’automne pour protéger les veaux d’hiver !
Lors d’impossibilité de logements différents pour les vêlages d’automne et ceux d’hiver, outre les mesures sanitaires complémentaires, la prévention pour les veaux nés en hiver va passer par une vaccination des veaux nés en automne pour limiter l’augmentation de la pression infectieuse dans le bâtiment. En conséquence, lors de présence d’un minimum de facteurs de risques et de présence de vêlages d’automne et d’hiver dans des lieux communs, la vaccination des veaux d’automne pour leur entrée en stabulation constituera une prévention particulièrement conseillée. La vaccination des veaux d’hiver sera éventuellement indiquée en fonction des autres facteurs de risques présents.